Pourquoi l’appelle-t-on sauce Mornay ?
Ah, la sauce Mornay! Cette onctueuse compagne de nos gratins et poissons pochés, une véritable star de la cuisine française. Mais au fait, pourquoi diable l’appelle-t-on ainsi ? C’est une excellente question, et comme un bon détective culinaire, plongeons-nous dans ce mystère crémeux pour démêler les fils de son histoire. Accrochez-vous, car la réponse n’est pas aussi simple qu’une béchamel bien réussie !
L’énigme du Duc de Mornay
La piste la plus alléchante nous mène à Philippe, duc de Mornay (1549–1623). Imaginez un peu, un duc, un écrivain, un diplomate… et peut-être, secrètement, un fin gourmet ! L’hypothèse, assez séduisante il faut l’avouer, est que cette sauce porte son nom. Après tout, quoi de plus chic que d’avoir une sauce portant son titre de noblesse ?
Seulement voilà, il y a un petit hic, un grain de sel dans notre béchamel si vous me permettez l’expression. À l’époque du duc de Mornay, figurez-vous que la béchamel, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’existait pas encore ! Non, non, vous ne rêvez pas. La béchamel, cette base crémeuse de tant de délices, est une invention plus tardive. Alors, la sauce au fromage que le duc aurait pu connaître aurait été basée sur une sauce velouté, une cousine éloignée mais tout de même différente.
C’est un peu comme imaginer Christophe Colomb découvrant l’Amérique… en trottinette électrique. L’idée est là, mais la technologie, euh, disons que le contexte n’est pas tout à fait le même. Donc, si la sauce Mornay existait à l’époque du duc, elle n’aurait pas été exactement celle que nous savourons aujourd’hui. Déjà, le mystère s’épaissit, comme une bonne béchamel qui réduit doucement sur le feu.
Le Grand Véfour entre en scène
Continuons notre enquête. Si le duc de Mornay est une piste un peu brumeuse, d’autres indices se présentent. Un document crucial dans notre recherche est « Le cuisinier Royal », 10ème édition, datant de 1820. Un véritable grimoire de la gastronomie de l’époque ! Et bien, figurez-vous que la sauce Mornay… aux abonnés absents ! Pas de trace de notre sauce au fromage préférée dans cet ouvrage de référence. C’est un peu comme chercher désespérément ses clés de voiture et réaliser qu’elles n’ont jamais été là.
Cette absence est un indice de taille. Elle suggère que la sauce Mornay n’est peut-être pas aussi ancienne qu’on pourrait le croire. Elle pourrait même être plus récente que 1820. Et c’est là qu’un autre nom prestigieux entre en jeu : Le Grand Véfour. Ce restaurant parisien emblématique, véritable institution de la gastronomie française, serait le berceau de notre sauce Mornay. Imaginez un peu, une sauce née dans un lieu aussi mythique ! C’est un peu comme si la Tour Eiffel avait été conçue dans un café parisien, l’idée est séduisante, non ?
Le Grand Véfour, avec son histoire riche et ses murs chargés d’anecdotes culinaires, semble être un candidat bien plus plausible pour l’origine de la sauce Mornay. L’ambiance feutrée, les nappes blanches, les serveurs en livrée… on imagine aisément la création d’une sauce aussi raffinée dans un tel écrin. C’est comme si l’élégance du lieu avait déteint sur la sauce elle-même.
Béchamel, la mère nourricière
Maintenant, parlons un peu technique, si vous le voulez bien. Car sous ses airs simples, la sauce Mornay cache une filiation prestigieuse. Elle est issue de la béchamel, l’une des cinq sauces mères de la cuisine française. Les sauces mères, ce sont un peu les piliers de la gastronomie, les fondations sur lesquelles reposent une multitude de sauces dérivées. Imaginez une famille nombreuse et influente, dont la béchamel serait la matriarche, et la Mornay, une de ses descendantes les plus élégantes.
La béchamel, c’est cette sauce blanche à base de roux blanc, de lait et d’aromates. Simple, mais ô combien efficace ! Pour transformer cette béchamel en sauce Mornay, le secret est simple : on ajoute du fromage râpé. Oui, c’est tout ! Mais attention, pas n’importe quel fromage. Traditionnellement, on utilise un mélange de Gruyère et de Parmesan, parfois agrémenté d’une touche de crème fraîche et de jaune d’œuf pour encore plus d’onctuosité. C’est un peu comme donner un coup de baguette magique à une béchamel un peu sage pour la transformer en une sauce gourmande et sophistiquée.
Cette filiation à la béchamel explique en partie pourquoi la sauce Mornay est si appréciée. Elle hérite de la douceur et de la texture veloutée de sa mère, tout en gagnant en caractère et en saveur grâce au fromage. C’est un peu comme un enfant qui prend le meilleur de ses parents pour devenir une personne unique et talentueuse. La Mornay, c’est la béchamel sublimée, améliorée, magnifiée.
Alors, Mornay ou pas Mornay ?
Alors, après cette enquête approfondie, quel verdict ? La sauce Mornay doit-elle vraiment son nom au duc de Mornay ? La réponse, comme souvent en histoire (et en cuisine!), est un peu nuancée. L’hypothèse du duc est séduisante, mais manque de preuves concrètes. L’absence de mention dans « Le cuisinier Royal » et l’émergence du Grand Véfour comme lieu potentiel de création penchent plutôt en faveur d’une origine plus récente, peut-être au début du 19ème siècle.
Finalement, peu importe vraiment qui a donné son nom à cette sauce délicieuse. Ce qui compte, c’est qu’elle soit toujours là pour accompagner nos plats, régaler nos papilles et apporter une touche de raffinement à nos repas. Que ce soit le duc de Mornay, un chef anonyme du Grand Véfour, ou même un cuisinier inconnu qui a eu la géniale idée d’ajouter du fromage à une béchamel, rendons hommage à cet inventeur, quel qu’il soit !
La sauce Mornay reste un mystère savoureux, une énigme culinaire qui ajoute à son charme. Et la prochaine fois que vous napperez un gratin de cette sauce onctueuse, vous pourrez, avec un sourire entendu, raconter à vos convives l’histoire (ou plutôt les hypothèses!) de son nom. De quoi impressionner la galerie et ouvrir l’appétit, n’est-ce pas ? Alors, à vos béchamels, prêts, fromagères !