Ah, la nature! Vaste et merveilleuse, n’est-ce pas? On y trouve des fleurs magnifiques, des arbres majestueux, et… des champignons qui poussent sur des cadavres. Charmant, non ? Si vous vous êtes déjà demandé quel type de fungi apprécie particulièrement les festins post-mortem, accrochez-vous, on va plonger dans le monde fascinant – et un peu glauque, soyons honnêtes – des champignons nécrophages.
Le Satyre puant : la star des cimetières… et des sous-bois
Commençons fort avec le champion de la catégorie, celui qui ne fait pas dans la dentelle : le Satyre puant, ou Phallus impudicus pour les intimes (et les scientifiques, bien sûr). Avec un nom pareil, on se doute bien qu’il ne sent pas la rose. Et effectivement, ce champignon a une stratégie marketing olfactive disons… particulière. Imaginez une odeur de charogne bien faisandée, capable de vous chatouiller les narines à plusieurs mètres à la ronde. Délicieux, n’est-ce pas ?
Mais pourquoi une telle puanteur, me direz-vous ? Eh bien, c’est tout simplement pour attirer les insectes nécrophages, ces charmantes petites bêtes qui se nourrissent de matière organique en décomposition. Ces insectes, pensant tomber sur un bon cadavre juteux, se pointent au festin et, au passage, se couvrent de spores de champignon. En s’envolant, ils disséminent ces spores un peu partout, assurant ainsi la reproduction du Satyre puant. C’est ce qu’on appelle la zoochorie, ou comment se faire aider par les animaux pour voyager incognito. Malin, le champignon !
Physiquement, le Satyre puant est… comment dire… original. À l’état adulte, il ressemble à un pénis en érection. Oui, oui, vous avez bien lu. Et son nom latin, Phallus impudicus, ne laisse planer aucun doute sur cette ressemblance. C’est Linné lui-même qui l’a baptisé ainsi, et figurez-vous que ce nom n’a jamais changé depuis. Incroyable, non ? En mycologie, c’est un peu comme si on avait gardé le même nom de dinosaure depuis le Jurassique. Un exploit !
Avant de prendre cette forme phallique, le Satyre puant commence sa vie sous forme d’œuf, ou de vesse, blanchi, enterré dans le sol. À la coupe, cet œuf révèle une structure fascinante : une enveloppe externe, une couche gélatineuse (pour le côté fun), une couche plus dense qui deviendra la fameuse gléba odorante, et enfin, au centre, le futur pied du champignon. C’est un peu comme une poupée russe fongique.
Le chapeau, parlons-en ! Conique, alvéolé, blanc, il est d’abord recouvert de cette fameuse gléba vert-olive à noirâtre qui attire tant les mouches. Une fois les insectes passés à table, le chapeau se dévoile, laissant apparaître ses alvéoles blanches. Le pied, quant à lui, peut atteindre 20 cm de haut, blanc, fragile, et se termine par une volve, le reste de l’œuf éclaté. Un vrai spectacle de la nature, si on aime les odeurs fortes et les formes suggestives.
Où croise-t-on ce charmant champignon ? Un peu partout dans l’hémisphère nord, et en Europe de la fin du printemps à l’automne. Bois de feuillus, bois de résineux, vieilles souches… il n’est pas très difficile. Sauf peut-être si vous avez le nez sensible.
Et la comestibilité, dans tout ça ? Figurez-vous que l’œuf de Satyre puant est comestible cru ! Oui, avant que l’odeur ne se déclare, il paraît que son goût rappelle celui du radis ou du raifort. Surtout consommé en Extrême-Orient, il faut bien l’avouer. Une fois développé et parfumé à la charogne, on oublie l’idée de le mettre dans l’assiette. Sauf peut-être pour un défi entre amis ?
Attention à ne pas confondre l’œuf de Satyre puant avec une vesse-de-loup ou le chapeau d’une amanite. La couche gélatineuse à la coupe est le signe distinctif. Et si vous hésitez, l’odeur devrait vite vous mettre sur la voie.
Au-delà du Satyre : la diversité des champignons décomposeurs
Le Satyre puant n’est pas le seul à apprécier les ambiances mortifères, bien sûr. Dans la grande famille des champignons et organismes décomposeurs, on trouve d’autres spécimens intéressants. L’Anthurus d’Archer, par exemple, est un cousin exotique qui, à l’état juvénile, ressemble aussi à un œuf. Mais quand il éclôt, surprise ! Il déploie 4 à 8 bras rouges, couverts de gléba, et ressemble à un poulpe. Avec une odeur nauséabonde d’excréments ou de charogne en prime. Décidément, ces champignons ont le sens du parfum.
Moins spectaculaire, mais tout aussi fascinant, le Champignon des doigts de mort (Xylaria Polymorpha). Son nom est déjà tout un programme. Il pousse en touffes de trois à six « doigts » noirs, sur le bois mort. Ambiance Halloween garantie dans votre jardin.
Et ce n’est pas tout ! Saviez-vous que certains champignons s’attaquent même aux insectes ? On peut ainsi observer des sporophores (les organes reproducteurs des champignons) pousser sur le cadavre d’un papillon de nuit, tué par un champignon Cordyceps ou Ophiocordyceps. Ces champignons parasites sont de véritables tueurs en série du monde des insectes.
Un mot sur la mérule pleureuse (Serpula lacrymans). Elle n’est pas nécrophage au sens strict, mais elle est experte en décomposition… du bois ! Cette championne de la pourriture cubique s’attaque aux charpentes et aux maisons, causant de sérieux dégâts. Si vous voyez des filaments cotonneux jaunâtres et une odeur de moisi chez vous, méfiance, la mérule est peut-être dans les parages.
Terminons sur une note plus gaie avec le polypore soufré (Laetiporus sulphureus), surnommé « champignon poulet ». Lui, il pousse sur les arbres, vivants ou morts, et notamment les chênes. Avec ses couches superposées de couleur jaune vif, il est assez facile à repérer. Et paraît-il, son goût rappelle celui du poulet. De quoi organiser un barbecue forestier original, si vous êtes sûr de votre identification bien entendu !
Et pour finir en beauté, n’oublions pas le blob. Ce n’est ni un animal, ni une plante, ni un champignon, mais un organisme eucaryote unicellulaire fascinant. Le blob est capable de se déplacer, d’apprendre, et même de se régénérer s’il est coupé en morceaux. Une vraie curiosité de la nature, qui mérite son propre article. Mais pour l’instant, restons concentrés sur nos champignons cadavériques.
Les odeurs de décomposition : un cocktail chimique complexe
On l’a évoqué, l’odeur de décomposition est un élément clé dans l’attraction des insectes nécrophages, et donc dans la stratégie de reproduction de certains champignons comme le Satyre puant. Mais de quoi est composée cette fameuse odeur ? C’est un mélange complexe de composés chimiques, principalement des sulfures, de l’ammoniac, du méthane, et d’autres joyeusetés issues de la dégradation de la chair. Un parfum subtil et raffiné, en somme.
Champignons toxiques : attention danger !
Avant de partir à la chasse aux champignons cadavériques (pour la science, bien sûr), un petit rappel de sécurité s’impose. Le monde des champignons est plein de surprises, mais aussi de dangers. L’Amanite phalloïde, surnommée « calice de la mort », est un champignon mortel très commun. Elle détruit le foie et les reins, et il n’existe pas d’antidote miracle. Mieux vaut donc admirer les amanites de loin, surtout si vous n’êtes pas un expert en mycologie.
L’Amanite tue-mouche, avec son chapeau rouge à points blancs, est plus connue, mais tout aussi toxique. L’Amanite panthère et l’Entolome livide sont d’autres exemples de champignons à éviter absolument. En cas de doute, la règle d’or est simple : on ne touche pas, on ne mange pas. Et on se lave les mains après une promenade en forêt, par précaution.
La toxicité de certains champignons est due à la présence de substances comme l’amanitine. Plus un champignon contient de gènes codant pour l’amanitine, plus il en produit en grande quantité, et plus il est dangereux. C’est une question de génétique, en quelque sorte.
Voilà, vous savez désormais quels champignons poussent sur les cadavres, ou du moins, ceux qui apprécient les ambiances post-mortem. De quoi briller lors de votre prochaine soirée entre amis, ou au moins, ne plus jamais regarder un champignon de la même façon. La nature est décidément pleine de surprises, même (et surtout ?) celles qui sentent un peu fort.