Pourquoi diable ne sert-on jamais de parmesan avec du poisson ? C’est une excellente question, n’est-ce pas ? Figurez-vous que cette interrogation, aussi saugrenue qu’elle puisse paraître, a germé suite à un véritable scandale culinaire, tenez-vous bien, dans un restaurant londonien ! L’histoire, aussi croustillante qu’un gratin dauphinois réussi, débute dans un établissement de Kennington, quartier branché de la capitale britannique. Un client, visiblement affamé et amateur de saveurs marines, commande de délicieux raviolis au crabe, nappés d’une onctueuse sauce crémeuse au saumon. Jusque-là, tout va bien. Mais voilà, notre gourmand, peut-être un brin habitué aux excès fromagers, ose l’impensable : il demande du parmesan pour agrémenter son plat. Imaginez l’audace ! Figurez-vous que le restaurateur, homme de conviction et gardien des traditions culinaires, oppose un refus catégorique. Ni une, ni deux, le client déçu, tel un poisson hors de l’eau, s’empresse de poster une critique acerbe sur un site d’avis en ligne. La réponse du propriétaire, aussi piquante qu’un citron pressé sur des huîtres, vaut son pesant de cacahuètes : « Ne demandez jamais d’ananas sur une pizza. Ne mettez jamais de poulet dans l’arrabbiata, et surtout, ne demandez jamais, jamais, jamais du fromage sur un plat de poisson… Essayez plutôt le parmesan sur une bouse de vache. Ça devrait vous plaire. » Ambiance… Mais au-delà de cette anecdote savoureuse, se cache une question de fond : pourquoi cette aversion quasi-religieuse pour l’association parmesan-poisson ? Serait-ce une simple question de tradition culinaire, un dogme hérité de nos ancêtres gastronomes ? Ou bien y a-t-il une explication plus scientifique, plus « umami », dirons-nous ? Accrochez-vous, on plonge dans les méandres de la saveur !
Le parmesan : un exhausteur de goût diaboliquement efficace
Le parmesan, mes amis, c’est bien plus qu’un simple fromage à pâte dure. C’est une véritable bombe de saveurs, un concentré de sel, de matières grasses, et surtout, un champion toutes catégories en matière de glutamate monosodique. Le glutamate, kézako ? C’est un acide aminé non essentiel, présent naturellement dans certains aliments, et qui a la particularité d’être un exhausteur de goût hors pair. En gros, le glutamate, c’est un peu le « boost » naturel de nos papilles. Il code ce que Brillat-Savarin, célèbre gastronome français, appelait l’osmazôme, et que les Japonais, maîtres de la subtilité gustative, ont baptisé umami. Décrire précisément la saveur umami, c’est un peu comme expliquer la couleur bleue à un aveugle de naissance. C’est une sensation profonde, savoureuse, qui amplifie les autres goûts et rend les plats, ma foi, diablement appétissants. Et le parmesan, avec sa forte concentration en glutamate, est un expert en la matière. Saviez-vous que le parmesan contient environ 1 600 mg de glutamate libre pour 100 g de produit ? C’est cinq fois plus que l’emmental, pourtant fromage fort honorable. Le parmesan, c’est donc un peu le « dopage » naturel de nos assiettes, celui qui apporte ce petit supplément d’âme, facilement identifiable, et ô combien addictif.
Assaisonnement ou dépendance aux exhausteurs ? Le dilemme cornélien
Alors, revenons à notre ravioli au crabe et à notre client londonien frustré. Sa demande de parmesan révèle-t-elle un plat mal assaisonné ? Ou bien son palais, habitué aux saveurs artificiellement boostées, est-il devenu dépendant des exhausteurs de goût ? Vaste question, n’est-ce pas ? Imaginez un peu : à force d’ingérer à longueur de journée des exhausteurs de goût, souvent cachés dans des aliments industriels transformés, nos papilles gustatives finissent par s’habituer à ces saveurs intenses et uniformisées. Résultat, une préparation culinaire réalisée dans les règles de l’art, avec des ingrédients frais et un assaisonnement subtil, peut nous sembler fade, voire insipide. C’est un peu comme comparer un feu d’artifice kitsch et bruyant à la beauté sobre et élégante d’un ciel étoilé. C’est là que le parmesan entre en jeu. Tel un super-héros du goût, il arrive à la rescousse pour compenser ce manque de saveur perçu. Il masque le manque de caractère du plat, le rehausse artificiellement, et nous voilà rassasiés, du moins en apparence. Mais n’est-ce pas un peu tricher ? Ne sommes-nous pas en train de nous éloigner du véritable goût des aliments ?
Le cycle infernal de l’industrie agroalimentaire : le glutamate à toutes les sauces
L’industrie agroalimentaire, toujours prompte à nous simplifier la vie (et accessoirement à maximiser ses profits), a bien compris le pouvoir addictif du glutamate. Elle l’utilise à tort et à travers, tel une poudre de perlimpinpin magique, pour rehausser le goût de produits souvent fades et de qualité douteuse. Jean-Pierre Coffe, s’il était encore parmi nous, aurait sans doute qualifié ces pratiques avec son vocabulaire fleuri et imagé. Résultat, nous voilà, malgré nous, devenus des cohortes de citoyens « drogués » aux exhausteurs de goût. Lorsque ceux-ci sont absents, les aliments naturels, non transformés, nous semblent insipides, voire repoussants. C’est un cercle vicieux, un cycle infernal qui nous éloigne toujours plus du plaisir des saveurs authentiques. Le parmesan, dans ce contexte, devient un complice involontaire de cette uniformisation du goût. En masquant le manque de saveur des plats industriels, il nous conforte dans notre dépendance aux exhausteurs, et nous éloigne toujours plus du chemin de la redécouverte des saveurs naturelles.
Retrouver le goût réel des aliments : une aventure gustative passionnante
Alors, que faire face à ce constat un peu désespérant ? Faut-il bannir le parmesan à tout jamais ? Non, bien sûr que non. Le parmesan, consommé avec modération et à bon escient, reste un aliment noble et savoureux. Mais il est important de prendre conscience de son rôle d’exhausteur de goût, et de ne pas en abuser. L’enjeu, en réalité, est de réapprendre à apprécier les saveurs naturelles des aliments. Redécouvrir le plaisir d’une tomate gorgée de soleil, juste acidulée comme il faut. Savourer l’amertume délicate d’un chicon (ou endive, pour nos amis français). Se délecter du goût authentique d’un yaourt de lait de ferme, loin des textures lisses et sucrées des produits industriels. Oser un thé en vrac, un vin biodynamique, des aliments qui ont du caractère, qui ont une histoire à raconter à nos papilles. Refuser le parmesan sur des pâtes au poisson, ce n’est donc pas seulement un acte de purisme culinaire italien. C’est aussi, et surtout, un acte de résistance face à l’uniformisation alimentaire. C’est refuser cette logique qui consiste à nous proposer les mêmes conserves insipides, réchauffées de la même manière, agrémentées des mêmes sauces standardisées, que l’on soit à Paris, Londres ou Bruxelles. Les cuisines locales et populaires, avec leurs recettes transmises de génération en génération, ont un rôle essentiel à jouer dans cette reconquête de nos goûts. Elles sont, pour l’instant encore, des cuisines du « fait-à-la-maison », qui privilégient les produits frais, de saison, et les assaisonnements subtils et variés.
Expérience sensorielle et réapprentissage du goût : l’exemple du yaourt
Permettez-moi une petite anecdote personnelle pour illustrer ce propos. Chaque année, j’organise un séminaire d’analyse sensorielle avec mes étudiants à l’Université libre de Bruxelles. Un jour, une étudiante a eu l’excellente idée de proposer une dégustation de yaourts natures. Nous avions des yaourts industriels, lisses et sucrés, et des yaourts fermiers et biologiques, plus acides, plus « vibrants » en bouche. À ma grande surprise, le panel d’étudiants a majoritairement préféré les yaourts industriels ! Les yaourts fermiers, jugés trop acides, trop « durs », n’ont pas remporté les suffrages. Cette expérience, aussi anecdotique soit-elle, est révélatrice de notre conditionnement gustatif. À force de consommer des ersatz de yaourts, issus de sous-produits laitiers, gras et doucereux, nous réagissons négativement aux préparations originales, aux saveurs authentiques. Notre palais, désensibilisé, a perdu le goût des vraies choses. Mais la bonne nouvelle, c’est que ce réapprentissage du goût est possible, et même relativement facile. Il suffit de limiter notre consommation d’exhausteurs de goût, de plats préparés industriels, de se remettre à cuisiner soi-même, avec des produits frais et de qualité. De monter ses sauces, d’apprêter les aliments avec amour et créativité, plutôt que de se contenter de réchauffer des boîtes.
Conclusion : le refus du parmesan, un acte de résistance gustative ?
Alors, au final, faut-il suivre l’exemple du restaurateur londonien et refuser systématiquement le parmesan sur les plats de poisson ? Peut-être pas de manière aussi dogmatique. Mais comprendre les raisons de cette aversion traditionnelle, c’est déjà un premier pas vers une alimentation plus consciente et plus savoureuse. Le refus du parmesan sur le poisson, au-delà de la simple règle culinaire, peut être interprété comme un acte de résistance face à l’uniformisation du goût et à notre dépendance aux exhausteurs. C’est une invitation à redécouvrir la richesse et la diversité des saveurs naturelles, à se reconnecter avec le plaisir simple et authentique de bien manger. Et ça, ma foi, c’est une perspective plutôt réjouissante, n’est-ce pas ?