Pourquoi « mégère » est-il une insulte ? Plongée hilarante dans l’histoire d’un mot pas très gentil
Alors, pourquoi traiter quelqu’un de « mégère » est-il loin d’être un compliment ? Accrochez-vous, car nous allons explorer ensemble les méandres de ce mot, et croyez-moi, le voyage est plus savoureux qu’une dispute de ménage (promis !). Le terme « mégère » n’est pas juste un mot désagréable lancé à la volée, c’est un véritable concentré d’histoire, de stéréotypes et de petites bêtes pas toujours commodes. Préparez-vous à devenir incollable sur l’art et la manière de ne *pas* être une mégère, ou au moins, de comprendre pourquoi on vous regarde de travers si jamais l’étiquette vous colle à la peau.
La mégère : portrait-robot d’une personnalité explosive
Imaginez un personnage de dessin animé, les cheveux en pétard, les sourcils froncés en permanence, capable de transformer une simple demande de pain en une scène digne d’un opéra tragique. Voilà, vous avez en tête l’archétype de la mégère. Selon la définition classique, une mégère, c’est une femme – car soyons honnêtes, le terme est rarement utilisé pour les hommes – au caractère désagréable, voire insupportable. Elle est prompte à la dispute, adore rouspéter pour un oui ou pour un non, et a une fâcheuse tendance à transformer la vie de son entourage en enfer sur terre. Ce stéréotype de la mégère est un personnage récurrent dans la littérature et le folklore, qu’il soit occidental ou oriental. Pensez aux contes de fées, aux pièces de théâtre classiques, ou même aux vieux films en noir et blanc : la mégère y est souvent dépeinte comme une figure comique, certes, mais aussi comme un obstacle à surmonter, un défaut à corriger. C’est un personnage haut en couleur, mais rarement sous un jour flatteur.
Au temps où les mégères étaient hors-la-loi
Figurez-vous qu’à une époque pas si lointaine, être une mégère pouvait vous valoir des ennuis avec la justice ! Au 16ème, 17ème et 18ème siècles, en Angleterre et dans les colonies américaines, le statut de « common scold » – l’équivalent de mégère publique – était considéré comme un délit mineur. Oui, vous avez bien lu, être trop « bavarde » ou « acrimonieuse » pouvait vous mener devant les tribunaux. On imagine aisément les scènes cocasses : « Madame, vous êtes accusée de mégérie publique, comment plaidez-vous ? » L’ambiance devait être… animée. À l’époque élisabéthaine, le terme « shrew » (l’ancêtre anglais de mégère) était couramment employé pour désigner les femmes qui ne se conformaient pas aux rôles sociaux attendus. En gros, si une femme avait le malheur d’avoir son propre avis, de l’exprimer un peu fort, ou de ne pas se montrer docile et soumise, elle risquait d’être étiquetée comme mégère. Charmant, n’est-ce pas ? On comprend mieux pourquoi le mot a une connotation aussi négative. La littérature et le folklore de l’époque regorgent d’histoires de maris héroïques qui « domptent » leurs épouses mégères, souvent par des méthodes… disons, peu recommandables selon nos standards modernes. Ces récits, véhiculés par la tradition orale et écrite, avaient une fonction bien précise : affirmer les valeurs traditionnelles et l’autorité morale en matière de rôles de genre, et canaliser les angoisses sociales liées au comportement féminin dans le mariage. En clair, on disait aux femmes : « Attention, si vous n’êtes pas sages, vous finirez comme les mégères des histoires ! »
« Mégère » : un mot qui a du vécu (et des ancêtres surprenants)
L’origine du mot « mégère » est fascinante. Il vient du moyen anglais « shrewe », qui désignait une personne « mauvaise » ou « querelleuse » depuis au moins le 11ème siècle. Ce terme est lui-même issu du vieil anglais « scrēawa », qui signifie… « musaraigne » ! Oui, vous avez bien entendu, la petite bête à dents pointues. Et là, vous vous dites peut-être : « Mais quel rapport entre une musaraigne et une femme acariâtre ? » Patience, tout s’éclaire. Dans les langues germaniques apparentées, les cognats de « shrew » ont des significations diverses, allant de « renard » à « nain », en passant par « vieil homme » et même « diable ». Autant dire que le mot avait déjà une connotation plutôt négative à la base. À partir du 13ème siècle, la croyance populaire prêtait aux musaraignes une influence maléfique sur les humains. Du coup, le terme « shrew » a commencé à être utilisé métaphoriquement pour désigner une personne, homme ou femme, au tempérament jugé similaire à celui de l’animal : agressif, irritable, voire venimeux (on y reviendra). Mais dès le 14ème siècle, l’usage du mot s’est progressivement limité aux femmes, renforçant ainsi le stéréotype de la femme acariâtre. Au fil du temps, d’autres expressions imagées sont apparues pour remplacer « mégère », comme « furie », « harpie » ou encore, dans un registre plus contemporain, « virago » ou « dragon ». Toutes ces expressions partagent le même fond commun : elles désignent une femme au caractère jugéExcessif, agressif, et surtout, déviant des normes sociales de féminité.
Pourquoi « mégère » pique (et pas qu’un peu)
Pour le public de Shakespeare, au début de l’ère moderne, une mégère était perçue comme une personne manquant de maîtrise de soi, et représentant une menace pour son entourage. En résumé, c’était quelqu’un – ou plutôt, quelqu’une – qu’il fallait « dompter », remettre dans le droit chemin, et si possible, faire taire. La mégère, c’est la femme argumentative, constamment en train de critiquer et de se plaindre, et dotée d’un tempérament exécrable. En un mot comme en cent, c’est la caricature de la femme insupportable. Quand on qualifiait une femme de mégère par le passé, cela signifiait généralement qu’elle était trop extravertie, trop bruyante, et qu’elle se comportait de manière « peu féminine ». En d’autres termes, elle ne correspondait pas à l’idéal de la femme douce, soumise et silencieuse que la société patriarcale de l’époque cherchait à imposer. L’insulte « mégère » était donc une manière de remettre les femmes à leur place, de les punir symboliquement pour leur « déviance ».
La musaraigne, source d’inspiration (malgré elle) pour l’insulte suprême
Le lien entre le personnage de la mégère et l’animal est loin d’être anodin. Les musaraignes sont connues pour être des créatures très territoriales, qui ne se tolèrent entre elles qu’au moment de l’accouplement. Un comportement qui n’est pas sans rappeler l’image de la mégère solitaire et acariâtre, toujours prête à défendre son territoire (qu’il soit réel ou symbolique) avec virulence. De plus, certaines espèces de musaraignes, comme la musaraigne aquatique d’Eurasie, ont la particularité d’avoir une morsure venimeuse, même si elle n’est pas dangereuse pour l’homme. Voilà qui ajoute une dimension piquante à la comparaison ! Historiquement, les musaraignes étaient d’ailleurs considérées avec superstition, et l’ancien verbe « scrǣwabeshrew » signifiait littéralement « maudire ou invoquer le mal sur quelqu’un ». Autant dire que la petite bête avait une réputation sulfureuse. En conclusion, traiter quelqu’un de « mégère », c’est bien plus qu’une simple insulte. C’est faire appel à des siècles d’histoire, de stéréotypes de genre, et à l’image peu flatteuse d’un petit animal agressif et solitaire. Alors, la prochaine fois que vous entendrez ce mot, vous saurez d’où il vient, et pourquoi il est toujours aussi efficace pour… piquer au vif ! Mais n’oubliez pas, l’humour est toujours la meilleure des armes, même face à une « mégère » potentielle. Après tout, un peu d’autodérision ne fait jamais de mal, et ça évite de finir devant les tribunaux pour « mégérie publique ». Sur ce, je vous laisse, il faut que j’aille dompter ma propre humeur parfois un peu… piquante.