Haggis : L’Énigme Culinaire Écossaise Interdite aux Américains ?
Ah, le haggis ! Plat national écossais, source de fascination, de répulsion parfois, mais jamais d’indifférence. La question brûlante que tout le monde se pose (enfin, peut-être pas tout le monde, mais nous, on se la pose) : les Américains ont-ils le droit de goûter à cette merveille culinaire ? Accrochez-vous, car la réponse est plus épicée qu’un haggis bien poivré.
Oui, techniquement, un Américain peut manger du haggis. Mais, attention, il y a un énorme « MAIS » de la taille d’un monstre du Loch Ness. Si cet Américain se trouve en Écosse, en France, en Australie, bref, à peu près partout sauf… aux États-Unis, alors oui, il peut se délecter de haggis sans risquer une arrestation immédiate. Le hic, c’est que l’importation de haggis authentique aux États-Unis est interdite depuis 1971. Oui, oui, vous avez bien lu, 1971 ! C’est presque aussi vieux que votre dernière paire de chaussettes trouées.
Alors, pourquoi cette interdiction draconienne ? Eh bien, mes amis, accrochez-vous à vos kilts, car la raison est… les poumons de mouton. Oui, vous avez bien entendu. Le haggis traditionnel, le vrai, le seul, l’unique, contient des poumons de mouton, en plus du cœur et du foie, bien sûr. Aux États-Unis, la consommation de poumons de bétail est interdite pour des raisons sanitaires, une loi datant également de 1971. Coïncidence ? Je ne crois pas !
Maintenant, parlons un peu de ce fameux haggis. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette spécialité écossaise, imaginez un mélange détonnant de poumon, foie et cœur de mouton (oui, on y revient), finement hachés et mélangés avec de la farine d’avoine, du suif de bœuf, des oignons et un bouquet d’épices secrètes. Traditionnellement, ce joyeux mélange était emballé dans une panse de brebis (l’estomac de la bête, pour les âmes sensibles) et bouilli jusqu’à parfaite cuisson. Avouez que ça sonne tout de suite plus appétissant, non ?
Bon, d’accord, dit comme ça, ça peut paraître un peu… rustique. Mais détrompez-vous ! Un haggis bien préparé, c’est une explosion de saveurs en bouche. C’est à la fois riche, savoureux, épicé, avec une texture à la fois friable et moelleuse. On y retrouve le goût de l’avoine, de la viande, des épices, le tout enveloppé d’une chaleur réconfortante. C’est le plat parfait pour les froides soirées écossaises, accompagné traditionnellement d’une purée de pommes de terre et de navets, et arrosé, bien sûr, d’un bon whisky écossais. Slàinte mhath !
Le haggis, c’est bien plus qu’un simple plat. C’est un symbole de l’identité écossaise, un emblème national au même titre que le kilt ou la cornemuse. Imaginez un peu, ce plat est célébré par un poème de Robert Burns, le barde national écossais, intitulé « Address to a Haggis » (Discours au Haggis). Rien que ça ! Depuis le 18ème siècle, le haggis est intimement lié à l’âme écossaise.
Et pourtant, ses origines sont bien plus anciennes et bien plus larges. Des préparations similaires à base d’abats et de céréales existaient déjà dans la Rome antique et la Grèce antique. On retrouve des cousins du haggis un peu partout en Europe : la chireta en Espagne, le drob en Roumanie, la polsa en Suède, et même le chaudin en Louisiane, un estomac de porc farci au riz et à la viande. En Angleterre, des recettes de « hagese », « hagws of a schepe » ou « haggus » apparaissent dans des livres de cuisine dès le 15ème siècle. L’étymologie du mot « haggis » viendrait même du vieux norrois, suggérant que les Vikings auraient apporté une version primitive de cette saucisse d’avoine et d’abats en Grande-Bretagne. Comme quoi, le haggis a des racines bien plus profondes qu’on ne le pense !
Robert Burns a certes popularisé le haggis, lui donnant une aura romantique et parfois un peu mythique. On raconte que c’était le plat idéal pour les Highlanders conduisant leurs troupeaux à travers les montagnes ou pour les contrebandiers de whisky opérant au clair de lune. La légende a même fait du haggis une petite créature sauvage, avec des pattes plus courtes d’un côté, condamnée à courir en rond autour des collines écossaises. Faut-il le croire ? Probablement pas, mais ça ajoute au charme du personnage.
Revenons à nos moutons (et à leurs poumons). L’interdiction d’importer du haggis aux États-Unis a donc créé une situation cocasse : le haggis authentique est devenu une sorte de contrebande culinaire, aussi difficile à trouver que des cigares cubains à l’époque du blocus. Pour les Américains en mal de haggis, il existe bien sûr des versions « américaines » du plat, sans poumons de mouton, mais les puristes crient au sacrilège. C’est un peu comme une pizza sans mozzarella ou un croissant sans beurre, ça manque cruellement d’authenticité.
Heureusement, le reste du monde n’a pas ces restrictions pulmonaires. Le haggis est consommé et apprécié un peu partout, et sa popularité ne cesse de croître. Selon Simon Howie, un des principaux producteurs de haggis en Écosse, la consommation de haggis est aujourd’hui plus importante qu’à l’époque de Robert Burns. Et le prix est plutôt raisonnable : environ 7,70 dollars le kilo en Écosse, soit deux fois moins cher que du bœuf et trois fois moins cher que de l’agneau écossais, pour une valeur nutritive comparable. De quoi se faire plaisir sans casser sa tirelire.
Et la préparation, me direz-vous ? Un jeu d’enfant ! Le haggis est déjà cuit en usine, il suffit de le réchauffer. Que vous soyez étudiant fauché ou chef étoilé, la préparation est la même : un simple réchauffage. On ne peut pas faire plus simple.
Le haggis a aussi su évoluer avec son temps. On le retrouve aujourd’hui dans des versions plus modernes et créatives. On le sert en croûte de filo avec une sauce à la confiture, on l’utilise comme alternative au ragù de bœuf dans les lasagnes, ou encore dans des pastillas, une version nord-africaine où le haggis remplace la volaille ou les fruits de mer. La communauté sikh de Glasgow a même inventé le haggis pakora dans les années 90, ouvrant la voie à des samosas, rouleaux de printemps et quesadillas au haggis, souvent dans une version végétarienne où les abats sont remplacés par un mélange de légumes, légumineuses et champignons.
Alors, chers amis américains, si vous avez envie de goûter au vrai haggis, il faudra soit venir en Écosse (excellente excuse pour un voyage !), soit trouver un ami écossais un peu aventureux qui acceptera de vous en rapporter en contrebande (à vos risques et périls !). En attendant, vous pouvez toujours vous rabattre sur les versions américaines, en espérant qu’elles vous donneront un avant-goût de cette merveille culinaire écossaise. Et qui sait, peut-être qu’un jour, la loi américaine changera et que vous pourrez enfin déguster un authentique haggis sans avoir l’impression de commettre un crime. On croise les doigts !
En attendant, n’hésitez pas à explorer les adaptations modernes du haggis, à tester des recettes créatives, et à vous laisser surprendre par ce plat unique et savoureux. Le haggis, c’est l’Écosse dans votre assiette, une histoire, une culture, une identité. Et ça, ça n’a pas de prix, même sans poumons de mouton.